EPISODE 4

Sombre sur sombre.

L’immense ellipse glisse lentement dans l’obscurité.

Aucun bruit. Aucune lumière. Aucune odeur. Juste une masse. Visiblement matérielle. Flottant dans la nuit. Feuille tractée par le vent. Puis elle s’arrête subitement. Sans soubresaut. Sans heurt. Presque délicatement. En tout cas, pas comme une machine volante normale devrait suspendre son mouvement céleste.

L’engin se met en vol stationnaire.

Une brusque lumière jaillit du cœur de l’objet. Pointe vers le sol une incandescence fulgurante. Mais là aussi, rien n’est habituel.

La lumière, surtout lorsqu’elle est artificielle et généreuse, produit de la chaleur et grésille de sa source émettrice.

Ici, aucun son. Aucune chaleur. Juste un immense trait éclatant. D’une blancheur spectrale. Qui capture dans son faisceau ce qui se trouve en dessous.

Une voiture. Une bien piètre création technologique comparée à l’engin. Toujours aussi noir. Fondu dans le noir. Parfaitement. Si ce n’est son appendice lumineux. Prodigieux miracle venu d’ailleurs. Fixé sur sa proie mécanique.

La voiture se cambre. Se met à trembler. Littéralement. Comme si elle allait se disloquer. De plus en plus fort.

Et là-haut, toujours pas de mouvement. Un silence transcendantal. La terreur absolue. Ou la sérénité parfaite.

Le toit se détache. Doucement. Lentement. Comme épluché.

L’humain qui se trouve à l’intérieur, pétrifié, s’élève au ralenti. Figé dans la lumière. Puis se met à tournoyer. Vers le ventre noir à l’appendice rayonnant.

Une fois l’enlèvement terminé, la lumière se désintègre. S’éteint d’un coup.

L’engin accélère d’une poussée extraordinaire. Passe de l’inertie totale à une vitesse insensée. En à peine une seconde.

Sombre sur sombre.

Quand il ouvre les yeux, de petits êtres s’affairent autour de lui.

Peau blafarde. Membres grêles. Corps recouverts d’une enveloppe argentée. Une combinaison. Une tête volumineuse. Un gigantesque cerveau saillant. Des oreilles minuscules. Des lèvres minces qui ne bougent pas. Des orifices en guise de nez. Des yeux immenses et liquides. D’un noir profond. Hypnotique. Ils ne parlent pas. Mais il les entend. Tout est clair. Fluide. Calme. Tranquille. Reposé. Apaisé.

La couche de métal est froide. Elle épouse son corps. Une gaine d’acier en symbiose avec son galbe.

Des instruments. Plein. Connus. Et inconnus. Qui piquent. Qui transpercent. Qui incisent. Qui prélèvent. Qui injectent. Qui cautérisent. Qui inoculent.

De la douleur. Beaucoup. Puis un peu moins. Anesthésie. Les voix dans sa tête. Dans chaque fibre de son être. Comme les outils. Quelque chose est retiré. Quelque chose est implanté.

L’esprit ouvert. La conscience connectée aux étoiles.

Derrière les petits êtres se trouvent les grands. Des géants. Deux-mètres à deux-mètres cinquante. Des écailles. Ou des scaphandres. Les mêmes yeux. Pas vraiment. Plus étirés. Brillants. Qui font mal à regarder. Leurs peaux : blafardes. Grisâtres. Difficile à dire. Peut-être plus claires. Ou plus foncées. Il ne sait pas.

La salle est vaste. Comme un hôpital. Pas de bruit. Pas d’odeur. Tout est propre. Au-delà de la propreté. La lumière est tamisée. Ou alors leurs yeux distinguent un spectre plus étendu.

De nouveau les verbes télépathiques. De partout. Un forum cacophonique mais subtil et logique. Une conscience élevée. Cosmique. Des milliards d’années avant. Des milliards d’années ailleurs. Entre les pliures de l’espace et du temps.

Réduire les distances. Traverser l’univers. Enjamber les dimensions.

Dormir.

Sombre sur sombre.

L’immense ellipse glisse paresseusement dans l’obscurité.

Aucun bruit. Aucune lumière. Aucune odeur. Juste une masse. Visiblement matérielle. Flottant dans la nuit. Feuille tractée par le vent. Puis elle s’arrête subitement. Sans soubresaut. Sans heurt. Presque tendrement. En tout cas, pas comme une machine volante normale devrait suspendre son mouvement céleste.

L’engin se met en vol stationnaire.

Une brusque lumière jaillit du cœur de l’objet. Pointe vers le sol une incandescence fulgurante.

L’espace d’un clignement d’œil.

Puis la lumière se désintègre. S’éteint d’un coup.

L’engin accélère d’une poussée extraordinaire. Passe de l’inertie totale à une vitesse insensée. En à peine une seconde.

Sombre sur sombre.

Oublier.

Seul dans la nuit.  La voiture un peu plus loin.

Comme neuve. Des boursouflures sur le toit. Décolorées.

Une route.

Déserte.

Se réveiller.

Quelques semaines plus tard.

Comme si c’était il y a une heure.

Sombre sur sombre.

Comme le temps qui fuit.

C.K

Laisser un commentaire