EPISODE 1
La conscience ne doit pas dormir pendant la période d’urgence sanitaire. Les activités sont réduites ou dématérialisées et quasiment plus personne ne se trouve dans les rues. Hier, le voile était interdit ; aujourd’hui, tout le monde sort masqué. La vie a parfois de ces facéties… Mais trêve de mauvais esprit : la situation exige beaucoup de sérieux et ne tolère aucune de ces insinuations même à vocation « humoristique. »
La conscience ne doit pas dormir, la conscience humaine – et parmi cette conscience globale, la conscience particulière qui est la nôtre en propre. Nous sommes certainement une seule espèce humaine. C’est incontestable, et loin de moi l’idée de hiérarchiser ou de déterminer ses pointes supérieures ou inférieures.
Contrairement à ce qui se dit depuis longtemps, je ne pense pas que nous soyons des animaux. Que nous ayons adopté – et adapté – des comportements animaux dans nos rapports humains, c’est sans discussion et vérifiable en remontant les chronologies historiques connues et/ou marginalisées.
Nous ne sommes pas des animaux, et vu que nous sommes une seule espèce, il n’existe pas de « races », mais des variations ou des variétés de cette même espèce avec sa conscience, sa vision du monde, son histoire, ses problématiques, ses perceptions, ses spécificités. En clair, bien que différents, ce qui nous rend malade – ou ce qui nous tue – ne respecte ni les frontières ni les particularités. Par conséquent, il n’y a rien de plus imbécile que de croire – ou de faire accroire – qu’un microbe, qu’un virus, qu’une bactérie, qu’une pathologie sont consubstantiels à une région, un peuple, une « couleur. »
La conscience ne doit pas dormir, parce que demain, la vie va continuer, certainement différemment, mais elle va se poursuivre. La question sera : qu’avons-nous appris ? Qu’avons-nous compris ? Qu’allons-nous changer ?
En attendant, certaines choses paraissent… incurables.
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Dans un métro belge (la ville n’a pas ici d’importance) une personne autochtone invective avec colère une famille asiatique (peut-être chinoise) encombrée de ses valises et qui visiblement revient de voyage. La personne autochtone dans son délire et infectée par sa peur leur enjoint de quitter la rame, sous peine… sous peine de quoi d’ailleurs ? Quel pouvoir – ou privilège – pense-t-elle mettre en branle pour faire disparaître la menace de l’ombre jaune ? Elle est – cette personne autochtone – parfaitement convaincue (comment ?) que le COVID 19 (« corona virus disease 19 » ou coronavirus) est « originaire » de Wuhan en Chine (un virus se déclare quelque part, y trouve des conditions optimales d’éclosion, mais n’est pas nécessairement originaire de l’endroit où il infecte et tue, avant de se muer en terroriste pandémique.) Que par conséquent toute personne d’apparence asiatique est potentiellement du covid 19 incarné… Saluons les réactions positives des personnes autour qui ont pris fait et cause pour la famille fustigée (qui ne venait peut-être pas de Chine, mais des contrées européennes voisines.) Ce qui n’a pas empêché ladite famille de prudemment descendre à la station suivante…
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Le procureur général de la Ville de New-York a mis en place une hot line à destination de la communauté asiatique américaine, en but à la « discrimination » et aux agressions à caractère raciste suite à la pandémie du coronavirus. Cette femme noire occupant de hautes fonctions dans un système à dominante blanche (en termes de pouvoir politique, économique, médiatique, académique et spirituel) prend fait et cause pour une population humaine différente de la sienne et se montre très préoccupée par l’atmosphère anti-asiatique. C’est bien, mais malheureusement très symptomatique du manque de conscience particulière dont je parlais : où se trouve cette même énergie, cette même préoccupation de protection lorsqu’il s’agit des Noirs qui ne sont pas les derniers à connaître les pestilences et les plaies corrosives – souvent mortelles – de la discrimination et du racisme ?
C’est intéressant aussi du point de vue de la négrophobie développée par et dans les sociétés asiatiques – en particulier dans leur expansion problématique en Afrique.
Posons la question essentielle : les asiatiques vont-ils aider l’Afrique (qu’ils colonisent) à vaincre le coronavirus avec la même efficacité que celle déployée en Chine, en Corée du Sud, à Taïwan ou à Singapour ?
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Tout le monde sait ce qui se passe en Italie, au regard de ce que certains appellent le « phénomène migratoire » (et ce n’est pas une spécificité italienne.) Ces « gens » ne sont pas les bienvenus, et le coronavirus risque de fragiliser davantage les « migrants. »
Nous avons vu nos frères et sœurs mourir dans la mer ou dans le désert ; nous avons vu d’autres se noyer dans l’indifférence générale ou les cris de haine immondes… Nous avons entendu les cris de singe, et pas seulement dans les stades…
Aujourd’hui dans la situation d’extrême détresse où se trouve la péninsule transalpine, qui arrive à la rescousse ? Un contingent de pestiférés internationaux : des cubains – beaucoup d’entre eux, Noirs – qui viennent apporter une solidarité agissante et leurs compétences autrefois vilipendées. Des cubains. Pas d’autres européens.
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Ailleurs, rien n’est plus difficile que de confiner des personnes qui se définissent par leur sociabilité et leurs interactions socio-culturelles. Des humains qui considèrent la vie comme une dynamique où la vie ajoute de la vie à la vie, même dans le dénuement le plus complet. Vous voyez de quel parage il s’agit. Là où le besoin de conscience gagnerait à connaître une plus grande propagation que celle du covid 19.
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Et partout, se trouve la même problématique : nous avons vu des humains se faire quasiment chicoter parce qu’ils ne comprenaient pas le changement d’ère. Ceux et celles qui, dans certains quartiers, continuent de croire que les règles nationales ne s’appliquent pas sur des territoires dits « de non-droit. »
A ceux-là, à celles-là, comprenez une chose : les zones de non-droit ne sont pas des réalités, ce sont des illusions qui s’effacent dès que l’autorité décide de les réinvestir, et cela ne souffre d’aucune discussion. L’oppression, certes, n’est pas légitime, mais réintégrer la zone « défranchisée » (défrancisée ?) au sein de l’ensemble national (faire reconnaître la loi, protéger, contrôler) est de l’ordre du politiquement normal.
Nous ne pouvons habiter certains lieux et nous penser extérieurs et réfractaires à l’environnement commun. C’est uniquement par cette discipline et cette conscience que nos luttes se révèleront efficaces et productives. Sinon nous courrons le risque de demeurer le virus irrémédiable qui investit, infecte, fait muter la communauté nationale, voire internationale, avant de la tuer.
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Il est temps de retourner à mon confinement passif devant Netflix (il y a d’ailleurs beaucoup de choses à dire sur cette plateforme qui nous propose des contenus que je trouve parfois douteux en termes d’agenda et de vision du monde.)
La conscience ne doit pas dormir.
Avec discipline et implication, vivons au mieux notre statut de confinés : s’informer, s’occuper de prophylaxie, s’inquiéter des siens et des voisins, ne rien prendre à la légère, ne pas succomber à la peur panique qui anesthésie vitalité, pensée et esprit, qui putréfie l’avenir.
Ne soyons pas – ne soyons plus – des cons finis.
C.K